Le Théatre Colon par Flavio Bandin

Le Cercle Richard Wagner de Toulouse Occitanie vous a proposé en cette année 2024

une brillante conférence donnée par Dorian Astor, dramaturge de l’Opéra Nationale du Capitole de Toulouse sur Wagner et Rossini

puis une magnifique conférence, très instructive  de Jean-François Candoni, musicologue, professeur en études germaniques à l’université de Rennes,  à propos de la Rivalité entre Bayreuth et Salzbourg dans l’entre-deux guerres ».

C’est au tour de Flavio Bandin, au conseil d’administration de notre association depuis de plusieurs années, en charge des relations de notre association avec les autres associations,  médecin pédiatre toulousain, franco argentin, grand amateur d’opéra, de nous emmener à la découverte du mythique théâtre Colon de Buenos Aires qu’il connait particulièrement bien, depuis sa plus tendre enfance.

Cette conférence aura lieu le

samedi 2 mars à 14h30

à l’hôtel IBIS Centre Capitole,

2 rue du Taur, 31000 Toulouse 

LA FEMME SANS OMBRE par Jean-Pierre RAYBOIS

DIE FRAU OHNE SCHATTEN

LA FEMME SANS OMBRE

RICHARD STRAUSS 

HUGO VON HOFMANNSTHAL

Cette conférence a été réalisée le 4 novembre 2000 salle Raymond CORRAZZE, lieu de rencontre habituel du Cercle Richard Wagner de Toulouse Midi-Pyrénées, à l’époque, par Jean-Pierre RAYBOIS, président fondateur du Cercle de Toulouse Midi-Pyrénées.

Une fois les circonstances de la genèse et de la création de l’œuvre abordées, Jean-Pierre RAYBOIS évoque les sources de cette œuvre, en développe l’argument avant de détailler et caractériser les profils psychologiques et musicaux des principaux personnages, puis de préciser les éléments symboliques de cette œuvre. Enfin après avoir présenté les éléments musicaux et la correspondance entre l’œuvre de Richard STRAUSS et l’art de Richard Wagner, Jean-Pierre RAYBOIS conclut son exposé en en explicitant la portée et le message. Cette conférence a été illustrée par des extraits musicaux provenant de l’enregistrement de l’opéra dirigé par Karl Boehm avec Léonie Rysanek.

I – Les circonstances de la genèse et de la création de l’œuvre.

En Novembre 1910, Hugo von HOFMANNSTHAL et Richard STRAUSS envisagent une collaboration ayant pour thème l’ouvrage de Wilhelm HAUFF, intitulé « Le cœur de pierre« . Mais ce n’est qu’aux mois de janvier et février de l’année suivante que Hugo von HOFMANNSTHAL entretient le compositeur de ses projets d’écriture d’une Femme sans Ombre. Aux mois de mars, avril 1913, les deux hommes voyagent ensemble en Italie et ont de nombreuses discussions à ce sujet. En juin le poète envoie à Richard STRAUSS quelques vers. Ce n’est qu’en avril 1914 que le musicien commence la composition de l’Acte 1 qu’il vient de recevoir dans son intégralité; il la termine en juillet au moment même où lui parvient l’Acte II qui sera composé d’août à octobre de la même année. En janvier 1915, Hugo von HOFMANNSTHAL reprend les esquisses de l’acte III qu’il avait interrompues en juillet 1914. Il envoie cet acte à Richard STRAUSS en avril. Seules manquent la scène 1 de l’acte III et le final. C’est ce dernier acte en effet qui suscite le plus de polémiques entre les deux hommes, Richard STRAUSS réclamant davantage de textes car il se sent prolixe en matière d’inventions harmoniques et Hugo von HOFMANNSTHAL craignant pour sa part une pléthore musicale car il connaît bien le musicien. Cependant, à Vienne fin avril, Richard STRAUSS joue au poète les actes I et II au piano et termine l’instrumentation de l’acte I en août.

Juillet 1916, les discussions vives reprennent à propos de l’acte III que Richard STRAUSS termine en septembre et dont il commence l’instrumentation en novembre. Un an plus tard, donc en juillet 1917, l’instrumentation est achevée, mais ce n’est que le 10 octobre 1919 que l’opéra est créé à Vienne dans la quasi-indifférence causée par la défaite allemande et autrichienne sur les esprits de l’époque après bien des annulations dues aux difficultés de mise en scène. Les décors au nombre de huit sont multiples et variés:

Acte I

Terrasse surplombant les jardins impériaux
Maison du Teinturier

 

Acte II

Maison du Teinturier
Fauconnerie et bois alentours
Maison du Teinturier
Chambre de l'Impératrice
Maison du Teinturier

 

Acte III

Cachots souterrains
Entrée du Temple des Esprits
Intérieur du Temple
Paysage du Royaume des Esprits

 

Ceci explique les difficultés de mise en scène auxquelles s’ajoute l’exigence quasi wagnérienne de Hugo von HOFMANNSTHAL :  » Jusqu’au XVIIIème siècle, notre civilisation possédait une référence unique en matière de décor idéal, c’était l’Antiquité …. Au cours du XIXème siècle naïf à un décor idéal fut consumé par l’esprit du temps et remplacé par les multiples variantes du décor historique. L’excès de cette tendance historique dans les décors conduisit à une crise. » La solution selon Hugo von HOFMANNSTHAL:  » esquiver ce qui est déterminé d’un point de vue historique et ethnographique et, à partir d’éléments hétérogènes, rassemblés par une méthode combinatoire ce qui peut rappeler le monde lointain et puissant, le mystère, la religion. En fait, le succès ne viendra que beaucoup plus tard, notamment trois grandes dates

* 1932 à Salzbourg sous la direction de Clemens Kraus,

* 1963 lors de la réouverture de l’Opéra national de Münich,

* 1966 lors de l’inauguration du nouveau Metropolitan de New-York.

Ce qui ne devait être au départ qu’un conte de fées dans lequel deux hommes et deux femmes s’affrontent et qui est composé par Richard STRAUSS parallèlement à sa deuxième version d’Ariane à Naxos se révèlera être un ouvrage homogène et merveilleux où la puissance du symbolisme le dispute à la luxuriance des sonorités.

II- Les origines du livret.

Hugo von HOFMANNSTHAL écrit presque simultanément un conte et un livre d’opéra ayant le même titre : « Die Frau ohne Schatten », La femme sans ombre. On peut trouver le conte en librairie et s’apercevoir des différences existant avec le livret dont l’écriture, comme en témoigne la nombreuse correspondance qu’il a échangée pendant plusieurs années avec Richard STRAUSS, était soumise au génie inventif du musicien qui exigea bien des modifications.

Les sources dont Hugo von HOFMANNSTHAL s’est inspiré sont triples autour du thème principal : l’absence d’ombre.

1- Tout d’abord il s’inspire des romantiques allemands à savoir:

* « Anna », conte de LINAU,

* « L’aventure de la Saint-Sylvestre » de HOFFMANN, le pacte faustien ourdi par la nourrice se retrouvait déjà dans « Le divan occidental-oriental » que GOETHE a écrit en s’inspirant du « Divan » de HAFIZ

* Hugo von HOFMANNSTHAL a pu trouver l’inspiration en consultant « L’Histoire merveilleuse de Peter SCHLEMCKL » que Aldebert CHAMISSO écrivit en 1814.

* mais sa principale source germanique est probablement « Le Cœur Pétrifié » de Wilhelm HAUFF et dont il avait entretenu Richard STRAUSS en novembre 1910 à Vienne. On peut également remarquer que certains thèmes de la Femme sans ombre se trouvaient déjà inscrits dans « Les disciples de Saïs » de NOVALIS et « Les Roses d’Orient » de RUCKERT qui sont des paraphrases du Divan d’HAFIZ.

2- La deuxième source se trouve en Orient: Hugo von HOFMANNSTHAL connaissait les poèmes persans:  » Le jardin des Fruits« , « Le jardin des Roses » et surtout tout le merveilleux des contes des « Mille et Une Nuits« , où l’on note les thèmes de l’eau d’or et de l’impératrice qui se transforme en gazelle. Les personnages qui possèdent un nom, ils ne sont que deux: KEIKOBAD et BARAK et signent donc leur origine orientale.

3 – La troisième source littéraire est constituée par trois œuvres de GOZZI:  « Les Fées ». Mais nous y reviendrons quand nous établirons quelques rapprochements entre Richard WAGNER et Richard STRAUSS. GOZZI inspire à Hugo von HOFMANNSTHAL non la perte mais l’absence d’ombre. Les dernières sources d’inspiration notables et non négligeables sont « La Flûte Enchantée« , opéra initiatique auquel pensera Richard STRAUSS tout au long de la composition ainsi que « Lohengrin » à propos duquel nous reviendrons plus loin dans le chapitre consacré à Richard WAGNER.

 

III – Le livret

Le détail du livret ci-joint

a été  expliqué par Jean-Pierre RAYBOIS , les différents scènes de cet ouvrage étant caractérisant de la manière suivante:

ACTE 1

Prologue,
la quête de l'empereur,
la malédiction,
la quête de l'impératrice.
l'infirmité.
le foyer,
la rencontre: la tentation.
l'artifice séducteur,
le pacte,
le retour.
ACTE II

le désir,
la rébellion,
la solitude de l'empereur,
la conscience du danger,
le cauchemar,
l'apocalypse
ACTE III

le chemin de la libération,
franchir le seuil,
la damnation,
l'épreuve,
l'incarnation,
la fécondité.

Cette étude était illustrée de 7 extraits musicaux : le prologue et la scène du retour de la fin du 1er acte, la solitude de l’empereur puis l’apocalypse, de l’acte II, le chemin de la libération suivi de l’épreuve puis la fécondité scènes de l’acte III que vous pouvez écouter ci-après dans la production enregistrée à Vienne en novembre et décembre 1955 avec l’orchestre philharmonique de Vienne, le choeur de l’opéra de Vienne dirigés par Karl Böhm  avec

Hans Hopf, l’Empereur, Leonie Rysanek, l’Impératrice

Elisabeth Högen , la Nourrice, Paul Schöffer,  Barak

Christel Goltz, la teinturière,

Kurt Böhme, le messager de l’Esprit, Kerl Terkal, appartition du jeune Homme, Judith Hellwig , la voix du faucon, Hilde Rössl-Majdan, la voix d’en haut, Harald Pröglhöf, le Borgne, Oskar Czerwenka, le manchot, Murray Dickie, le Bossu, Emmy Loose, la gardienne.

En voici sept extraits

 

 

 

 

 

 

 

IV – Les profils psychologiques et musicaux des principaux personnages

Les personnages sont tous symboliques et l’on remarquera que, hormis lors du final, les couples s’aiment surtout lorsqu’ils sont séparés. Les seuls personnages qui possèdent un nom sont Barak et Keikobad, et encore celui-ci n’apparaît-il pas en scène. L’unique rôle masculin possédant une dimension dramatique humaine certaine est celui du Teinturier.

Depuis Salomé, Richard STRAUSS écrit ses plus belles musiques pour des voix féminines. Or dans la Femme sans ombre, les trois personnages principaux dont le chant atteint parfois la limite de la physiologie humaine sont l’Impératrice, soprano dramatique, la Nourrice, mezzo-soprano dramatique, et la Femme du Teinturier soprano dramatique également mais dans une tessiture plus grave que celle de l’Impératrice. De plus quatre voix ou chœurs, indispensables à la· compréhension du déroulement de l’intrigue nous viennent des cintres ou des coulisses et ajoutent ainsi à la théâtralité de l’ensemble.

Il s’agit :

  • de Keikobad, roi des Esprits, juge suprême qui saura récompenser ceux qui ont souffert et celle qui a compatit.
  • du chœur des veilleurs de nuit qui rappelle qu’un des nœuds de l’intrigue est l’obligation d’accomplir le devoir conjugal dans un but de procréation.
  • du chœur des enfants non nés que l’on entend aux fins du 1er acte et du 3eme A la fin du 1er acte c’est un chant de désespoir car leur venue au monde ne pourra se faire; à la fin du 3ème acte c’est un chœur d’action de grâce envers e parents qui acceptent de les accueillir.
  • de la voix du Faucon dont le chant est lié le plus souvent au fait que l’Impératrice ne projette toujours pas d’ombre. Sur un thème lancinant, il soutient la tension dramatique.

 

L’IMPERATRICE

Léonie Rysanek en Impératrice

Fille de Keikobad, roi des Esprits, elle est capturée par le Faucon alors que, par la magie de son talisman, elle s’est transformée en gazelle ne projetant pas d’ombre. Alors qu’elle est sur le point d’être tuée, elle devient une femme magnifique dont l’Empereur tombe amoureux et qu’il épouse. Pour avoir une descendance, elle rejoint le monde des humains afin d’y acquérir une ombre. L’Impératrice connaîtra donc les trois mondes : le monde supérieur des esprits; le monde intermédiaire de l’Empereur et le monde inférieur des êtres humains. Elle va donc effectuer deux voyages qui constitueront son parcours initiatique. Le premier est un descente au cours de laquelle elle apprend à souffrir car elle commence par échapper à la mort au cours de la partie de chasse; puis elle ne peut combler son époux en lui donnant des enfants; enfin elle est horrifiée par le machiavélisme de la Nourrice ainsi que par la misère des êtres humains. Son deuxième voyage au cours duquel elle comprend le sens de ses souffrances est ascendant. Il repart du monde des humains dont les malheurs font naître en elle un sentiment de pitié car elle est témoin de l’amour impossible d’un couple dont la femme a perdu son ombre; poursuivant son ascension, elle arrive dans le monde intermédiaire pour le désespoir de son mari qui est en train de se pétrifier; c’est de lui et d’elle-même qu’elle prend alors pitié; enfin, elle parvient au monde des esprits où elle doit prendre sa décision finale; elle décide, à la manière de Parsifal achevant son itinéraire initiatique, de renoncer à son propre amour pour sauver de la blessure mortelle ce couple d’humains dont elle a ressenti la souffrance. C’est parce qu’elle a acquis les qualités du monde inférieur, que, celle qui est issue du domaine supérieur des esprits pourra procréer.

LA NOURRICE

C’est un être étrange et maléfique qui n’a jamais connu l’amour. Elle accepte de servir l’Impératrice uniquement parce qu’elle est terrorisée par Keikobad. Elle profite de sa mission pour assouvir une haine des êtres humains dont on peut supposer qu’elle vient de son rejet de ce monde qui l’a propulsé au service du roi des Esprits. Par ailleurs la pétrification de l’Empereur n’est pas vraiment pour lui déplaire; ainsi, son échec peut correspondre à un acte manqué si cher aux psychiatres. Magicienne comme Kundry, méchante comme Ortrud, elle est condamnée à errer comme le Hollandais parmi un monde qui lui est hostile et envers lequel elle s’est comportée comme un Méphistophélès féminin, usant et abusant la tentation pour le perdre. En voulant détruire l’humain, elle s’est auto-anéantie : c’est ce que· lui a signifié Keikobad par l’intermédiaire de son messager sur le perron du temple de justice.

LA FEMME DU TEINTURIER

 Emouvante d’humanité, elle nous apitoie quand on apprend que son mariage est resté infécond depuis deux ans et demi et quand on se rend compte que ses tâches ménagères sont accablantes. On est prêt à la comprendre quand elle succombe à la tentation de la vie facile agrémentée de l’assouvissement de ses fantasmes sexuels. La perte de son ombre et sa conséquence sur son amour conjugal nous attriste. La prise de conscience de son erreur et son remords d’avoir blessé son époux lui permettent d’obtenir la clémence du roi des Esprits et nous sommes alors soulagés. Il est important de noter que la Femme du Teinturier accomplit le chemin inverse de celui de l’Impératrice. Alors que celle-ci s’est humanisée pour obtenir une ombre, celle-là s’est élevée pour que les puissances supérieures lui donnent droit à la maternité : elle a   renoncé à assouvir ses fantasmes pour jouir de l’amour charnel véritablement fécondant : au total Hugo von HOFMANNSTHAL et Richard STRAUSS nous enseignent que les hommes ont besoin d’une dimension leur venant des dieux et que les dieux doivent s’humaniser.

L’EMPEREUR

Il n’est qu’un amant et un chasseur nous dit-on au début. C’est la raison pour laquelle c’est lui qui doit être pétrifié.

Il ne peut pas aimer véritablement et lorsqu’il prend conscience, il ne lui reste que trois jours sur les douze lunaisons qui lui étaient imparties pour aider son épouse à acquérir une ombre, à être une femme et non objet sexuellement désirable. Lui aussi va souffrir, mais de façon passive. Son avenir n’est plus entre ses mains ce qui n’est pas forcément plus facile à vivre. Au 2ème acte, il veut tuer son épouse, ce qui résoudrait tous les problèmes même si le prétexte. est la jalousie, mais ne s’en sent pas le droit. Au 3ème acte, il ne lui reste plus que ses yeux pour exprimer sa détresse. Il est alors sauvé par le renoncement de l’Impératrice et accepte, comme elle de s’humaniser.

BARAK

C’est un travailleur acharné qui doit nourrir toute une famille, sa femme et ses trois frères à charge, handicapés. Vivant la misère au quotidien, il est bon et charitable et invite des enfants mendiants à partager sa pauvreté. Du même coup, il ne voit pas sa Femme comme celle-ci le désirerait et nous sommes enclins à imaginer leurs ébats amoureux sous un angle peu passionnant. Mais il aime quand même son épouse car il tente de la tuer lorsqu’il apprend qu’elle a renoncé à lui donner des enfants donc à accomplir totalement son devoir conjugal. Lui aussi regrettera sa vie passée à côté de son épouse et non avec elle; il sera récompensé en fin de compte pour la sincérité de ses sentiments. Comme la Femme du Teinturier, Barak s’élève spirituellement après avoir enseigné à l’Impératrice l’humanité.

V Symboles et leur portée symbolique.

Chaque événement, chaque personnage, chaque objet signifie autre chose que lui-même  en cette œuvre qui se déroule dans trois mondes. Différents au départ de l’action, ils s’interpénètrent lors de la conclusion.

  • le monde d’en haut dans lequel tout est idéalisé, spiritualisé, et où règne un ordre moral exemplaire;
  • le monde d’en bas où vivent les humains travailleurs et miséreux, où la joie de vivre est absente et où règne le malheur social et les souffrances physiques et mentales;
  • le monde intermédiaire procède des deux autres; il est celui de l’Empereur qui s’adonne entièrement à ses loisirs, satisfait ses besoins primaires mais à qui il manque l’apprentissage de la souffrance et la connaissance spirituelle. Son monde où la fille du roi des Esprits fait intrusion ne peut donc accomplir la chose la plus élémentairement humaine: la fécondation.

L’Impératrice voyage incessamment entre ces trois mondes et en fait la synthèse. Elle en sera récompensée car c’est d’elle que viendra le salut en fin de compte.

Nous avons vu le symbolisme de purification par l’accomplissement de bien des épreuves des principaux personnages en scène. Il nous faut dire quelques mots de ceux dont la voix est « off’.

Les Veilleurs sont la conscience sociale certes, mais aussi le bon sens populaire et l’inconscient collectif.

Le Faucon dont la hauteur du vol phénoménal lui permet d’embrasser le monde du regard, est responsable de la capture de l’Impératrice. Blessé par l’Empereur, détenteur du talisman, il est bien sûr celui qui avertit, qui confirme, qui inquiète. Sa voix peut être assimilée au cri de l’enfant qui réclame à naître. Rappelons au passage que c’est la forme que prend Odin pour survoler la terre.

Les Enfants représentent, en plus de la fonction biologique évidente, l’énergie vitale présente en chaque être humain et qui lui permet d’accomplir plus que sa destinée et l’autorise à se surpasser, ainsi qu’à donner un prolongement, un espoir aux buts qu’il n’aurait pu atteindre. Par opposition les enfants non nés sont donc l’inertie, c’est-à-dire la mort si leur venue au monde leur est interdite quel que soit le subterfuge utilisé.

A côté de cela, quelques symboles traditionnels cohabitent ou se succèdent sur scène, maintenant le spectateur en état de rêve permanent approfondi par la musique.

Le Jeune Homme ou plus exactement, le corps de celui-ci représente les fantasmes féminins.

Traditionnellement les Poissons représentent les couches les plus profondes de l’inconscient et sont liés à la fécondité et aux forces vitales du monde maternel. Il y a donc une ironie au second degré de la part de la Nourrice à faire arriver par magie cinq poissons dans la poêle de la Femme du Teinturier à la fin du 1er acte.

Juste retour des choses, c’est un élément aquatique, dans une barque que la Nourrice sera condamnée à errer; la Barque dans la tradition nordique transporte les morts et les corps célestes vers l’au-delà, où ils seront jugés après la traversée de la vie.

La Source d’eau dorée est un élément fertilisant (source) à l’origine de toute vie (eau) et du savoir ésotérique(1’or en alchimie). C’est un symbole féminin (1’Or du Rhin était gardé par des nixes).

Enfin le symbole principal qui a donné à l’œuvre son titre est celui de l’Ombre; celle-ci est le double mystérieux de l’Homme et le reflet de son âme. L’Ombre est l’image extérieure d’une réalité intérieure. L’Impératrice ne se sent pas mère donc sa féminité n’est pas accomplie. Dans la Bible, c’était déjà le symbole de la fécondité.

De plus les enfants marchent dans notre ombre, nous ressemblent comme elle, nous suivent car nous les guidons. C’est enfin le symbole de la création future de quelque sorte que ce soit.

Mais il va arriver une incroyable mésaventure à cette ombre. En effet nous perdons sa trace entre l’acte II au cours duquel la Femme du Teinturier ne la projette plus et la fin de l’acte III où les deux épouses la récupèrent. Tout ce passe comme si elle était en gestation et mûrissait parallèlement au parcours initiatique de l’Impératrice qui aboutit lui-même à la naissance de deux ombres. Les symboles de la fécondité naissent de l’amour: la boucle est fermée.

La quête des deux couples est complémentaire, et fait la synthèse de la portée spirituelle de ce drame symbolique: c’est la nécessité de la fusion du charnel et du spirituel.

L’Impératrice et l’Empereur doivent procréer en dehors de tout égoïsme.

Barak et la Femme doivent élever leur esprit.

L’Empereur doit accepter sa condition humaine.

L’Impératrice doit acquérir, non par la force, la dimension humaine qui lui donnera l’ombre.

Barak doit quitter la matière brute pour accéder à la part de rêve procurer par l’inconscient.

La Femme doit accepter le désir dans l’amour véritable fait de chair et non de fantasme.

Le matériau musical est poussé à l’extrême, à la limite du possible des registres des voix et des instruments balayant les champs inexplorés au-delà du vertige comme le conte, le langage sonore est fantastique.

VI Considérations musicales.

C’est à juste titre que la Femme sans ombre fut qualifiée de dernier opéra rococo bavarois. En effet la richesse et l’extraordinaire variété des sonorités donnent une sensation de pléthore telle qu’à la fin de la représentation, l’auditeur a l’impression d’avoir participé à une orgie musicale.

Ce sentiment s’explique par les dons d’alchimiste dont faisait preuve Richard STRAUSS à partir d’un orchestre à la fois classique et moderne. En effet aux cors traditionnels, il adjoint trois cors de basset; il multiplie les instruments à vent, deux piccolos, quatre flûtes, trois hautbois, une clarinette basse et une en ut ainsi que les cuivres, quatre bassons, un contre basson, quatre tubas ténors et quatre cors. Les percussions ne sont pas de reste et Richard STRAUSS les accompagne de cinq gong chinois. Enfin des instruments plus rares tel l’harmonica de verre sont présents. Voilà pour l’orchestre auquel il faut ajouter une musique de scène pour laquelle nous noterons sept instruments à vent, six trompettes, six trombones, une machine à vent, une machine à tonnerre un orgue et quatre tam-tams.

Cette très grande richesse instrumentale sera utilisée par Richard STRAUSS pour rendre certains contrastes extrêmement saisissants. En effet, l’orchestre est alternativement opulent, lumineux ou sombre selon ce qu’exige l’intrigue. Mais il peut avoir aussi des sonorités fines et délicates de la musique de chambre quand les motifs mystiques ou ésotériques interviennent. L’orchestre peut se déchaîner à la manière d’un véritable cataclysme ou bien n’être représenté que par un seul instrument.

C’est pourquoi cette œuvre charnière dans la production de Richard STRAUSS fut ainsi nommée « variations fantastiques sur un thème de caractère magique ». Les moments idéaux pour prendre conscience de cet art straussien sont les huit interludes exigés par les changements de tableaux et qui sont en fait des véritables poèmes symphoniques miniatures.

Avec de l’entraînement, on peut reconnaître au passage les trente-deux leitmotiv qui illustrent un contenu dramatique extrêmement soutenu. On se rend compte alors que le langage sonore, comme celui du conte, est fantastique.

Le matériau musical est poussé à la limite du supportable et tout comme celui des instruments, le registre des voix balaie des champs jusque-là inexplorés, parfois au-delà du vertige.

C’est une œuvre qui exige des chanteurs hors du commun et notamment des chanteuses dont les rôles sont épuisants dramatiquement et vocalement avec parfois des véhémences proches de la crise de nerfs (la Femme du Teinturier)

VII La Femme sans ombre et Richard Wagner.

  • Rapport avec les FEES

La source commune est la Femme de GOZZI dans laquelle la fée doit renoncer à son immortalité pour accéder à l’humanité, c’est la trame principale des Fées de Richard WAGNER. Chez Hugo von HOFMANNSTHAL et Richard STRAUSS cela reste quelque chose d’absolument comparable, c’est-à-dire que pour pouvoir partager l’amour et son corollaire qui est la fécondité; la fille du roi des Esprits doit abandonner sa condition pour endosser celle des humains, symbolisée ici par l’ombre. La conquête de cette dernière est aussi celle de la mortalité.

« Car la création est une grande roue qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu’un. » Victor HUGO

Achevées en 1834, les Fées ne furent créées à Münich qu’en 1888. On sait par ailleurs que Richard STRAUSS en dirigea quelques répétitions.

  • Rapports avec LOHENGRIN

En matière de dramaturgie musicale, Lohengrin était la référence constante pour Richard STRAUSS et Hugo von HOFMANNSTHAL

  • Il n’est qu’à entendre l’utilisation des violons par Richard WAGNER dans le Prélude et par Richard STRAUSS dans le passage au monde des Esprits des violons sont le symbole des puissance spirituelles voire religieuses ou ésotériques.(rappel de la signification du prélude)
  • Richard STRAUSS désigne lui-même le grand air de l’Empereur que nous avons entendu comme son récit du Graal.
  • Il compare également la tessiture de la Nourrice à celle d’Ortrud et note qu’il s’agit dans les deux cas d’une femme qui n’a pas connu l’amour.
  • Enfin Hugo von HOFMANNSTHAL et Richard STRAUSS apparentent, dans sa construction le final de l’acte II de la Femme sans ombre au quintette de l’acte II de Lohengrin.

 

VIII  CONCLUSION

Par leur force symbolique, les évènements scéniques représentent bien plus que des faits et le chemin initiatique parcouru par l’Impératrice est jalonné de symboles non seulement dans le livret mais aussi dans la puissance musicale qui s’attache à eux.

Texte et musique expriment à la fois la volonté céleste et le but humain. Par conséquent la condition humaine est supérieure à la condition divine bien que chacune doive aller au-devant de l’autre.

Lorsqu’elles se rejoignent, elles donnent naissance à un message de paix car l’initiation à l’amour humain qui ne s’accomplit que de la fécondité est aussi l’initiation à l’amour de l’humanité. Hugo von HOFMANNSTHAL avait entraîné son compère Richard STRAUSS dans des voies jusque-là peu utilisées par le compositeur : celles des dimensions intemporelles et universelles bien connues de Richard WAGNER

Au Capitole de Toulouse en 2006

L’écoute comparée du rôle de Gurnemanz de PARSIFAL

Le Cercle Richard Wagner 

de Toulouse Occitanie,

a proposé

le samedi 16  décembre 2023 

à la Maison de la Citoyenneté
5, rue Paul Mériel 

l’écoute comparée du rôle de Gurnemanz  de PARSIFAL au moyen de  deux passages de l’acte 3, puis de l’acte 1.

Cristiane Blemont et Anne-Elizabeth Agrech avaient sélectionné 9 versions CD ou DVD, enregistrées entre 1962 et 2016, 5 avec l’orchestre de Bayreuth et les 4 autres avec l’orchestre du MET , de Zurich ou  du philharmonique de Berlin., avec 8 chanteurs différents.

Les deux passages chantés par Gurnemanz sélectionnés, durent  de 7 à 8 minutes pour celui situé au 1 er acte ,  4 à 5 minutes pour celui  situé au 3eme acte, dont le texte de chacune de ces interventions a été remis à chaque auditeur et est inséré en fin de cet article.

Il a d’abord été procédé à l’audition de l’extrait  du 3eme acte, le plus court pour ne retenir que 4 ou 5 versions pour l’écoute de l’extrait  du 1er acte afin d’essayer dégager une version remportant la majorité des suffrages.

 Les versions retenues étaient  les suivantes:

Hans Hotter  en 1962  avec l’orchestre du festival de Bayreuth  dirigé par Hans Knapperbusch.

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Franz Crass en 1970 avec l’orchestre du festival de Bayreuth  dirigé par Pierre Boulez

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Hans Sotin  en 1985 avec l’orchestre du festival de Bayreuth  dirigé par James Levine

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Kurt Moll en 1992 avec l’orchestre Metropolitan Opera de New York dirigé par James Levine

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Hans Sotin  en 1998 avec l’orchestre du festival de Bayreuth  dirigé par Giuseppe Sinopoli

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Matti Salminem  en 2007   l’orchestre de l’Opéra de Zurich dirigé par  Bernard Haitink

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

René Pape en 2013 avec l’orchestre Metropolitan Opera de New York dirigé par Daniele Gatti

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

 

Georg Zeppenfeld en 2016 avec l’orchestre du festival de Bayreuth  dirigé par Harmut Haenchen

Extrait Titurel

Extrait Du siehst

 

Au final excepté la version du Parsifal dirigée par Barenboim avec Mathias Hölle toutes les versions écoutées ont été fort appréciées avec une mention plus particulière pour la version interprétée par René Pape sous la direction de Daniele Gatti à la tête de l’orchestre de l’opéra du Metropolitan de New York qui disputait la primauté à la version de 1998 du festival de Bayreuth avec Hans Sotin dirigé par Giuseppe Sinopoli sans oublier la version 2016 du festival de Bayreuth avec Georg Zeppenfeld.

Extrait 1, acte I

 Titurel, der fromme Held,

der kannt’ ihn wohl.

Denn ihm, da wilder Feinde List und Macht

des reinen Glaubens Reich bedrohten,

 ihm neigten sich in heilig ernster Nacht

 dereinst des Heilands selige Boten :

 daraus der trank beim letzten Liebesmahle,

das Weihgefäss. die heilig edle Schale,

 darein am Kreuz sein göttlich’ Blut auch floss,

 dazu den Lanzenspeer, der dies vergoss –

 der Zeugengüter höchstes Wundergut

 – das gaben sie in unsres Königs Hut.

 Dem Heiltum baute er das Heiligtum.

 Die seinem Dienst ihr zugesindet

auf Pfaden, die kein Sünder findet,

 ihr wisst, dass nur dem Reinen

vergönnt ist, sich zu einen

 den Brüdern, die zu höchsten Rettungswerken

 des Grales Wunderkräfte stärken.

 Drum blieb es dem, nach dem ihr fragt, verwehrt,

Klingsorn, wie hart ihn Müh’ auch drob beschwert.

Jenseits im Tale war er eingesiedelt ;

 darüherhin liegt üpp’ ges Heidenland :

unkund blieb mir, was dorten er gesündigt.

 doch wollt’ er büssen nun, ja heilig werden.

Ohnmächtig, in sich selbst die Sünde zu ertöten,

 an sich legt’ er die Frevlerhand,

die nun, dem Grale zugewandt,

verachtungsvoll des’ Hüter von sich stiess.

Darob die Wut nun Klingsorn unterwies,

wie seines schmähl’chen Opfers Tat

ihm gäbe zu bösem Zauber Rat;

 den fand er nun. – .

 Die Wüste schuf er sich zum Wonnegarten,

 drin wachsen teuflisch holde Frauen ;

dort will des Grales Ritter er erwarten

zu böser Lust und Höllengrauen :

 wen er verlockt, hat er erworben :

schon viele hat er uns verdorben.

 Da Titurel. in hohen Alters Mühen,

dem Sohn die Herrschaft hier verliehen :

Amfortas liess es da nicht ruhn,

der Zauberplag’ Einhalt zu tun.

 Das wisst ihr, wie es dort sich fand :

 der Speer ist nun in Klingsors Hand ;

kann er selbst Heilige mit dem verwunden,

 den Gral auch wähnt’ er fest schon uns entwunden !

 

Extrait 2, acte III

Du siehst. das ist nicht so.

 Des Sünders Reuetranen sind es,

 die heut mit heil gem Tau

 betraufen Flur und Au’ :

 der liess sie so gedeihen.

 Nun freut sich alle Kreatur

 auf des Erlösers holder Spur,

will ihr Gebet ihm weihen.

 Ihn selbst am Kreuze kann sie nicht erschauen :

 da blickt sie zum erlösten Menschen auf ;

 der fühlt sich frei von Sündenlast und Grauen,

 durch Gottes Liebesopfer rein und heil.

Das merkt nun Halm und Blume auf den Auen,

dass heut des Menschen Fuss sie nicht zertritt,

 doch wohl, wie Gott mit himmlischer Geduld

sich sein erbarmt’ und für ihn litt,

der Mensch auch heut in frommer Huld

sie schont mit sanftem Schritt.

 Das dankt dann alle Kreatur,

was all da blüht und bald erstirbt,

 da die entsündigte Natur

heut ihren Unschuldstag erwirbt.

 

(Kundry hat langsam wieder das Haupt erhoben und blickt feuchten Auges, ernst und ruhig bitlend, zu Parsifal auf.)

L’audition comparée du rôle de Gurnemanz 16 décembre2023

Le Cercle Richard Wagner 

de Toulouse Occitanie,

 propose

le samedi 16  décembre 2023

à 10h00 

à la Maison de la Citoyenneté
5, rue Paul Mériel 

l’écoute comparée du rôle de

GURNEMANZ 

dans Parsifal.

Cette audition , préparée par Cristiane Blemont et Anne-Elizabeth Agrech, confrontera presque une dizaine de versions de cette oeuvre et  permettra d’entendre les plus grands titulaires de ce rôle depuis  une soixantaine d’années.

A l’issue de cette séance, les adhérents qui l’ont souhaité partageront un moment convivial au restaurant Volfoni de la place Wilson.

Cette réunion sera la dernière à la maison de la Citoyenneté qui fermera ses portes en  ce 31 décembre de l’année 2023.

Programme 2023-2024

 Sauf indication contraire

Jusqu’au 31 décembre 2023

les réunions ont lieu à

la maison de la Citoyenneté

5 rue Paul Mériel 31000 Toulouse,

Les samedi à 14h30

30 septembre 2023    

Assemblée Générale suivie de l’historique du festival de Bayreuth par Annie LASBISTES

14 Octobre 2023

Bernadette FANTIN EPSTEIN                                                                                      « du journal de Venise au Carnet Brun. Voyage dans l’intimité de Richard Wagner»

18 Novembre 2023               

Éric EUGENE

« à propos de Parsifal : Gurnemanz, Amfortas, Titurel et le Graal »

16 Décembre 2023

  Déjeuner de Noël  horaire et lieu à définir       

Audition comparée , Parsifal,

Les mardi ou mercredi à 18 h.

Mercredi  04/10  :  C. GHRISTI  à propos du Capitole

Mardi 28/11 :  video du MV RW Hommage  à A.  TUBEUF

A partir du 1er  janvier 2024

les réunions ont lieu principalement à

l’hôtel Ibis Centre Capitole

 2 rue du Taur, 31000 Toulouse,

les samedi à 14h30

13 Janvier 2024

 Dorian ASTOR                   « Richard Strauss face à Richard Wagner »

3 Février 2024

J-F CANDONI « Rivalité entre Bayreuth et Salzbourg dans l’entre-deux guerres »

2 Mars 2024

Flavio BANDIN                           « Le théâtre Colon de Buenos Aires»

30 Mars 2024

C.BLEMONT- A.LASBISTES          « Cosima, jeunesse et maturité »

27 Avril 2024

Cyril PLANTE                                                     « Debussy et Wagner»

25 Mai 2024

Georges LIEBERT « le wagnérisme, une invention française »

22 Juin 2024

 Déjeuner de l’été  horaire et lieu  à définir                                                    Audition comparée, Parsifal,

sauf deux  réunions du mardi à 18h00,

qui ont lieu à la MDC Rive Gauche

20 place Jean Diebold   31300 Toulouse

( accessibles gratuitement aux non adhérents au Cercle)

19 mars :   M. OLIVIE        Les filles de Cosima

14 mai :   C. BLEMONT     Louis II de Bavière

Les représentation des opéras

Le cercle Richard Wagner de Toulouse Occitanie propose

les représentations suivantes :

 Renseignements et inscription au 06 51 61 50 43

27 Septembre  2023 :                                         LOHENGRIN à Paris

16 mars 2024 :                                           LOHENGRIN à Strasbourg

24 mars 2024 :                                                  PARSIFAL  à Dornach

Mai – juin 2024 :       MAITRES CHANTEURS et FAUST à Vienne

Eté 2024                       Festival de Bayreuth, Richard Wagner

 

Le cercle rappelle la possibilité de déplacements pour des œuvres d’autres compositeurs organisés par Axel Ruis,  WE Opera .

Vous pouvez télécharger le programme de  la saison en cours 2023-2024 ci-dessous  :

 

Autour du Tristan et Isolde au Capitole de Toulouse 2023

Dans le cadre des Journées d’études organisées en partenariat avec le théâtre du Capitole de Toulouse par l’Institut de Recherche Pluridisciplinaire en Arts, Lettres et Langues (IRPALL), de l’Université de Toulouse – Jean Jaurès, Bernadette Fantin Epstein, docteur ès lettres, maître de conférences en littérature comparée à l’Université de Toulouse II et membre éminent du Cercle de Toulouse depuis le début du Cercle Richard Wagner de Toulouse, il y a trente ans,  a eu l’honneur d’ouvrir  la journée d’étude du jeudi 2 février 2023,  consacrée à Tristan et Isolde avec sa conférence :

Duos wagnériens : du monologue amoureux à la fusion tristanesque.

Grâce au lien ci-dessous vous pouvez l’écouter

Duos wagnériens : du monologue amoureux à la fusion tristanesque / Bernadette Fantin Epstein | Canal U (canal-u.tv)

Les autres interventions ( Dorian Astor, Florence Mouchet, Jean-François Candoni et Michel Lehman) sont  également accessibles sur le site de l’Irpall grâce au liens suivant :

Tristan et Isolde de Wagner : Résonances d’une volupté suprême | Canal U (canal-u.tv)

Les rendez-vous de mai 2023

Les Mardi de Mériel

le mardi 9 mai  2023

à 18 heures

présentation de  

LA DEFENSE D’AIMER

DAS LIEBES VERBOT

 

par Michel OLIVIE

du CRWT

 

à la Maison de la Citoyenneté

5, rue Paul Mériel, Toulouse,

Entrée libre
Les Samedi de Mériel

le samedi 13 mai  2023

à 14 heures 30

à la Maison de la Citoyenneté

5, rue Paul Mériel, Toulouse,

le cercle de  Toulouse Occitanie

propose la conférence 

« la mise en scène du Ring»

donnée par 

JASMINE SOLFAGHARI     

metteuse en scène

Jasmine Solfaghari est une metteuse en scène allemande qui vient de Berlin pour nous parler de la mise en scène et notamment des opéras de Richard Wagner.
Elle vient de mettre en scène Parsifal à Dornach en Suisse au Goetheanum auquel plusieurs membres du Cercle Richard Wagner de Toulouse ont assisté.  
Jasmine SOLFAGHARI est née à Fribourg, en Allemagne, et a passé ses six premières années à Téhéran, en Iran. Elle a étudié la mise en scène à Hambourg auprès de Götz Friedrich et s’est imposée comme directrice d’opéra internationale. Elle a occupé des postes de direction au Stadttheater Bremerhaven, au Deutsche Oper Berlin et en tant que professeur à la Musikhochschule Leipzig. Elle donne des masterclasses et des conférences en Italie, au Brésil, en Israël, en Allemagne, aux États-Unis et en Chine. Elle donne des masterclasses et des conférences pour chanteurs d’opéra en plusieurs langues. Jasmin Solfaghari est responsable du département opéra/théâtre musical – chez PAMY Mediaproductions. Jasmin Solfaghari a également publié des ouvrages destinés à présenter les opéras comme  version anglaise « Opera Guide For Beginners » et « Crashkurs Oper » ont été publiées en 2020.

 

Les rendez-vous d’avril 2023 : Parsifal – Appia

Le vendredi  7 avril 2023 , Parsifal à Dornach

Une autre colline

sur laquelle s’élève le GOETHEANUM

 

Les Samedi de Mériel

le samedi 15 avril  2023

à 14 heures 30

à la Maison de la Citoyenneté

5, rue Paul Mériel, Toulouse,

le cercle de  Toulouse Occitanie

propose la conférence 

Wagner et Appia

 

  donnée par 

 

Gilles DEMONET

Musicologue et juriste, Gilles Demonet est professeur à Sorbonne Université, où il dirige le Master Administration et gestion de la musique. Il est directeur de l’Institut de recherche en Musicologie et a pour principal domaine de recherche les institutions musicales.

Gilles Demonet a été administrateur de l’Opéra-Comique et directeur du bureau français de l’agence IMG Artists. Gilles Demonet est invité régulièrement à enseigner à l’étranger, notamment en Chine et en Italie.

 

Il a publié entre autres :

Les marchés de la musique vivante : la représentation musicale au XXIe siècleGilles DEMONET.  PRESSES DE L’UNIVERSITE PARIS-.

 

Opéra à l’écran   : opéra pour tous ?  Nouvelles offres et nouvelles pratiques culturelles. L’Harmattan

Les concerts Straram (1926-1933) Gilles DEMONET. Une révolution dans la vie symphonique à Paris.   SOCIETE FRANCAISE DE MUSICOLOG.

A propos de  la Table ronde sur le Ring Chéreau/Boulez du 26 novembre 2022

 Le Ring du centenaire avait été confié à quatre français par la décision de Wolfgang Wagner : à Pierre Boulez pour la direction orchestrale, à Patrice Chéreau pour la mise en scène, à Richard Peduzzi pour les décors et à Jacques Schmidt pour les costumes.

 

La Table ronde concernait ces représentations qui commencèrent par l’Or du Rhin le 24 juillet 1976 (la première de 1876 fut présentée le 13 août), à partir des prises de notes de Patrice Chéreau consignées dans son journal et rassemblées et classées par Julien Centrès. Ce dernier était notre invité, il venait juste de soutenir sa thèse sur Patrice Chéreau l’avant-veille. Participaient également Cristiane Blémont, Jean-Jacques Cubaynes, j’étais chargé du déroulement de la séance. Anne-Elizabeth Agrech assurait la technique.

Cet écrit est le prolongement de ce qui a été dit lors de cette journée, qui fut riche en interventions, et parvint à dégager des spécificités essentielles des intentions de Patrice Chéreau quant à ce Ring du centenaire.

Dans ses notes Chéreau esquisse de multiples approches de ses conceptions du Ring. C’est avec un regard absolument neuf qu’il aborde l’œuvre. Il part du texte même de Wagner, et non de la tradition appliquée et sans cesse reconduite à Bayreuth. Ce regard de Chéreau est clairement analysé par Jean-Jacques Nattiez dans son ouvrage Tétralogies, Wagner, Boulez, Chéreau. Le Ring tel que nous le connaissons est le résultat des multiples sources utilisées par Wagner en son temps :  » C’est pourquoi la signification que Wagner donnait à son Ring n’est pas immédiatement lisible dans le texte, mais doit être reconstituée à partir de l’étude de documents qui lui sont extérieurs: un article théorique, une lettre des propos rapportés, sans parler de tout le climat intellectuel de l’époque. » C’est ce dont le metteur en scène doit tenir compte dans son approche, à quoi s’ajoute toute sa construction intellectuelle et sensible propre au présent de son temps. Ainsi peut s’ouvrir une nouvelle vision contemporaine de l’œuvre. Nattiez écrit : « L’œuvre interprétée (sur scène) aujourd’hui est le résultat d’une tension entre l’imaginaire du créateur reconstitué, l’évidence trompeuse d’un texte littéraire et musical porteur de potentialités scéniques et l’interprétation (exégétique) d’un metteur en scène et d’un chef d’orchestre». Un certain nombre de lignes de force caractérisent l’approche de Chéreau, plus ou moins explicites, plus ou moins revendiquées, plus ou moins clairement assumées. Ces lignes de force apparaissent non seulement par les intentions de Chéreau, mais aussi dans celles de Peduzzi et Schimdt, tant les décors et l’habillement contribuent à renouveler le contenu de ce Ring. Mais n’est jamais perdu de vue un sens de la beauté rassemblé en une unité par les attitudes, les gestes des chanteurs, le fantastique des lieux réalisés (rocher de Brünnhilde, palais des Gibichungen), les vêtements pensés circonstanciellement en fonction des moments et des caractères des protagonistes. Les trois artistes organisent des temporalités distinctes, aussi bien un temps mythologique, classique, ou celui de l’ère industrielle. Mises en scène, décors, vêtements, campent des époques à la fois précises, mais aussi hétérogènes pour finalement se résoudre en une vision nouvelle, créatrice, qui réorganise le sens général de l’histoire. Un des exemples le plus marquant, et qui a suscité le plus de réactions hostiles est le  »barrage » du début de l’Or du Ring. Cette construction va délibérément à l’encontre de l’idée dominante selon laquelle l’œuvre ouvrirait sur l’état originel de la nature où régnerait la pureté lumineuse de l’Or. Chéreau, Peduzzi ont voulu qu’il y ait une antériorité entachée, ce qui donnera ultérieurement la raison de l’impuissance de Wotan à dominer les événements préfiguré par la sarabande titubante de la fin de l’Or du Rhin. Cette décision de Chéreau n’est pas arbitraire, le monde du Ring est rongé par l’appétit de domination doublé par la passion de la possession matérielle (sinon quel sens aurait la volonté de conquérir l’Or?). Wagner, aussi bien que Chéreau s’interrogent avec raison sur ce que produit le monde de la technique, dont le capitalisme est l’agent efficient, émergeant violemment à l’époque de Wagner, se traduisant par les inquiétudes contemporaines chez Chéreau. Le barrage n’est donc pas là par hasard : «Cette chose sur le plateau qui peut être un barrage mais  qui peut être beaucoup d’autres choses: une construction menaçante, une machine de théâtre pour produire un fleuve, figure allégorique de ce qui aujourd’hui produit de l’énergie». Conjurer cette malédiction de la domination de la technique sur la nature par le biais du capitalisme trouve son espérance dans la révolution sociale. Chéreau comme Wagner cèdent aux illusions de leurs époque et de leur milieu. L’avènement d’une humanité émancipatrice est l’horizon des révolutionnaires fréquentés par Wagner et du milieu intellectuel français des années 1970-80 dans lequel baignait Chéreau. Aussi les traces de ces croyances parcourent elles le Ring du centenaire, non selon l’orthodoxie marxisme en vogue à l’époque sous la houlette des Althusser, Rancière, Balibar, mais davantage à partir de la distanciation que l’attitude issue d’une critique de gauche en vigueur à l’époque, génère. Cette distanciation semble être essentielle à Chéreau. La distanciation par rapport au mythe traduit l’intention prêtée à Wagner : l’utiliser pour mettre en perspective les principes du capitalisme naissant – le pouvoir, l’exploitation – ce à quoi Chéreau ajoute une seconde distanciation : «Wagner voyait dans la révolution le moyen de libérer l’homme de la servitude de l’argent et de connaître le retour à la nature. Chéreau lui prête les idées qu’on attribue, dans une perspective marxiste, à la bourgeoisie quarante-huitarde : asseoir le pouvoir économique sur un fondement nationaliste.» écrit Nattiez. La conséquence de cette approche consiste à ouvrir une multitude de voies d’interprétations quant au sens de l’histoire que raconte le Ring mais aussi des sentiments et des émotions apportés par cette nouvelle mise en scène. La volonté de Chéreau est de donner à chaque moment sa signification singulière, mais à la condition d’être reliée à l’ensemble, avec le souci de laisser ouvertes les suites qui pourraient survenir dans la continuité du mouvement. Souvent joue l’effet de surprise, qui rejoint par là, fondamentalement, le mouvement de la musique servi par Boulez. Pour tous ces aspects est exemplaire le premier acte de la Walkyrie, plus particulièrement l’attention que Chéreau prête au rôle de Sieglinde, interprétée par Hannelore Bode de 1976 à 1978, et par Jeannine Altmeyer en 1979. Les deux interprètes ont témoigné dans l’ouvrage d’Élisabeth Bouillon, Le Ring à Bayreuth, de la précision avec laquelle Chéreau a rendu hommage à la conception que Wagner avait de Sieglinde, l’intelligence et la grandeur avec laquelle le personnage a été conçu. Tout le premier acte voit l’évolution des sentiments de Sieglinde, son bouleversement de la rencontre avec Siegmund, son implacabilité face à Hunding. C’est ainsi, mais ce qui frappe tout d’abord chez les deux interprètes, c’est la mise en valeur de leur beauté. Sieglinde est belle, de la beauté que la souffrance d’une existence brisée, mais qui résiste et revendique intérieurement encore et toujours pour elle-même. Hannelore Bode saisit parfaitement la démarche : « J’aime beaucoup chez Chéreau, le fait que ce grand amour n’apparaît pas tout d’un coup, dès le début, qu’au contraire tous deux soient sur la défensive, s’armant contre un amour naissant. Sieglinde est si dure : elle voit un étranger, elle reste en retrait. (…) Elle ne cesse de grandir durant tout l’acte.» La surprise est d’autant plus grande que Sieglinde juste avant l’arrivée de Hunding, donne un baiser furtif à Siegmund pour signifier que, désormais la suite leur appartient, aussi monstrueuse que soit la situation : « Ce que j’ai trouvé extraordinaire, aux premières répétitions, c’est qu’elle embrasse Siegmund avant l’arrivée de Hunding. C’est très osé, et cela prouve quelle femme courageuse et exceptionnelle elle est» ajoute Hannelore Bode. Car Hunding est un monstre, admirablement rendu par Matti Salminen. Son expression de suspicion, de sentiment de supériorité, de contentement de soi, de brutalité, prête à surgir, dans le regard, incarne l’image accomplie de l’ignominie humaine. Et pourtant Sieglinde ne tremble pas. Du fond de son humiliation demeure le courage, l’appétit de vivre que la venue de Siegmund, qui, lui, reste dans son éblouissement premier face à elle, fera surgir. «Un autre moment que j’aime particulièrement est la fin de la deuxième scène, après le discours de Siegmund: c’est un passage très délicat à mettre en scène, ici particulièrement réussi. Hunding m’a saisie brutalement par les mains et ordonné de sortir. Je recule à travers toute la scène, en marquant des temps d’arrêt, et il avance et s’arrête en même temps que moi, sans me toucher, mais sa seule présence est une menace. Et pourtant je veux dévoiler la présence de l’épée et je cours à l’arbre », se souvient Jeannine  Altmeyer. Chéreau fait preuve d’une grande intuition de ce que sont les êtres, c’est un atout majeur pour une mise en scène réussie. C’est un discernement qu’il porte à notre conscience. Son Ring, en multipliant des intelligences de l’ordre de Sieglinde, révèle des aspects, peur être insoupçonnés de Wagner lui-même. Ce qui pourrait le laisser à penser, c’est le regard qu’il porte sur Siegfried, duquel Wagner persiste à faire le héros attendu par l’humanité. Chéreau reprend la conception qu’André Glucksmann se faisait de Siegfried, et qui correspond de près ou de loin à ce qu’envisageait Wagner « Siegfried est assimilable au héros prolétaire sauvant l’humanité dans les idéologies révolutionnaires, c’est à dire qu’il regroupe en lui tous les mythes de sauvetage de l’humanité». Ce qui nous ramène au climat de l’époque, les consciences considérant l’avènement d’une révolution comme solution possible aux vicissitudes du temps. Ce mélange d’innocence, de naïveté, de brutalité (Chéreau parvient à rendre à l’arrachage de l’anneau sur Brünnhilde l’aspect d’une mutilation), de violence (le meurtre de Mime ne s’imposait pas, ce dernier est plus pitoyable que véritablement dangereux), fait de lui un sot, plutôt qu’autre chose. «Le rôle est mal écrit, c’est tout.» dit Chéreau. Ce qui aboutit à ce que la marche funèbre, plutôt qu’être illustrée par le cortège, par la lente procession du cadavre habituelle, est totalement sublimée par Chéreau. Siegfried est mort, le rideau tombe, le cadavre est au-devant de la scène, comme expurgé du lieu de représentation de son assassinat, il n’est plus qu’un pauvre corps abandonné sur un chemin. Entrent alors deux femmes, plutôt des paysannes du XIXème siècle, modestes. Ensuite, par petits groupes des anonymes entrent sur la scène, jusqu’à former une foule, s’amassant autour du corps, comme par curiosité, le dissimulant au public, Enfin, quand l’orchestre célèbre la magnificence de Siegfried, la foule se tourne vers la salle. Les visages des femmes, des hommes, pensifs, expriment un sentiment mêlant l’incrédulité, la tristesse, la fin de la promesse d’un rêve d’un monde meilleur, auquel en fin de compte il valait mieux ne pas y croire. Siegfried n’aura été qu’un pauvre être semblable à eux. Cette perspective change radicalement toute la fin du drame. Brünnhilde ne souligne les contradictions de Siegfried que pour mieux mettre en avant la duperie de Wotan qui n’a utilisé Siegfried que pour s’assurer un pouvoir définitif sur toutes choses. Dans son vaste vêtement blanc, toujours à la limite de s’y emmêler Brünnhilde persiste dans son illusion jusqu’à la fin : voir en Siegfried  »son sublime héros », jusqu’à entraîner son cheval Grane jusque dans les flammes, suivi des exclamations finales : « Siegfried ! …Siegfried !… Vois !… Ta femme te salue avec béatitude !… au lieu de nous donner le sentiment de sublime voulu par Wagner, Chéreau nous invite à réaliser que tout cela n’a été qu’un monde de dupes, et de n’en être que plus éblouis. Ainsi, du barrage de l’Or du Rhin à la scène finale du Crépuscule des Dieux, nous sommes conduits à reconsidérer ce que ce cycle signifie, tout en gardant l’esprit dans lequel Wagner l’a conçu, c’est à dire des cheminements liés à la mythologie germanique et sa part d’allégorie énigmatique, l’imprégnation du désir révolutionnaire et la critique d l’esprit mercantiliste. Mais Chéreau nous délivre en partie, avec le recul, des illusions marxistes de l’avenir d’une société meilleure qui régnait dans les années où se Ring a été conçu. Car lui-même, tout en gardant une forme d’esprit contestataire et critique de la  »société bourgeoise », se détourne des solutions toutes faites fondées sur les certitudes du marxisme ambiant. Siegfried n’est qu’en partie présenté comme un héros révolutionnaire, mais Siegmund et Sieglinde sont des sortes de marginaux voués à la tragédie. Wotan fait l’expérience de l’échec auquel conduit la volonté de domination et de pouvoir, Brünnhilde est la femme sacrifiée aux illusions de l’amour, et au règne d’une société patriarcale. Être conscients de ces traits du temps ne conduit pas pour autant à en faire la caractéristique de cette Tétralogie. Elle est d’abord singularisée par la densité de chaque individualité. L’incarnation de tous les personnages est inoubliable et bouleversante d’humanité, tout au moins de l’humanité par laquelle Wagner les caractérise, autour du thème de l’amour. Mais manquera aux personnages de la Tétralogie, à notre sens, des traits de bontés qui auraient pu parachever la grandeur du drame. Et ainsi, peut-être éviter à l’œuvre les déboires qu’elle subira par bien des mises en scène à venir. Celle du centenaire de la naissance de Wagner, mise en scène à Bayreuth par Frank Castorf sera inaugurale d’une conception strictement politico-historico-sociologique, prétendument dénonciatrice de ce qui est et ‘’injuste’’ et ’’pernicieux’’ dans le monde contemporain. Ce seront les personnages de la Tétralogie qui feront les frais d’une telle conception à la petite semaine ; ‘’Quand les filles du Rhin se font substituer leur trésor, elles téléphonent à Wotan qui leur raccroche au nez : il est trop occupé à coucher dans le même lit avec sa femme Fricka et sa belle-sœur Freia — la vidéo permettant de prolonger la scène par des gros plans et de la compléter par des actions parallèles’’ décrit Christian Merlin dans l’Avant-Scène Opéra Le Ring nouveaux regards . Ou encore dans Diapason Hugues Mousseau : « La dérision potache par laquelle Tcherniakov s’emploie – exception faite du Récit du Songe de Hagen – à saper la force de la dramaturgie wagnérienne ne serait point si grave si elle ne liquidait froidement allusion et poésie ». Ce ne sera qu’un prélude à ce qui suivra jusqu’à nos jours en matière de mises en scène. . Et pour la dernière édition de Bayreuth Emmanuel Dupuy écrit « Adieu Nibelungen, géants et naïades. Valentin Schwarz a choisi de centrer le nouveau Ring présenté cet été à Bayreuth sur les interactions familiales, tournant le dos au mythe comme aux relectures politiques.( …) Il faudrait des pages entières pour décrire dans le détail les multiples réinterprétations auxquelles se livre Schwarz ; ses incohérences aussi. Mais que nous disent elles vraiment ? A la longue cette démystification systématique finit par instaurer un sentiment de superficialité gratuite. » Le courage, la dignité, la fragilité existentielle des personnages wagnériens laissent la place à la méchanceté et à la médiocrité de tout un chacun, afin, sans doute, dans les méandres des esprits de ces metteurs en scène, que le public s’y reconnaisse. Espérons que cet effondrement de la représentation n’est pas le signe avant-coureur d’un effondrement généralisé d’une civilisation devenue exsangue. Les frères Goncourt écrivaient sur fond de lassitude désabusée la chose suivante : « La sauvagerie est nécessaire, tous les quatre ou cinq cents ans, pour revivifier le monde. Le monde mourait de civilisation. Autrefois, en Europe, quand une vieille population d’une aimable contrée était convenablement anémiée, il lui tombait du Nord sur le dos des bougres de six pieds qui refaçonnaient la race. » Les dérives auxquelles se livrent les mises en scène contemporaines ne seraient elles pas l’expression d’une lassitude civilisationnelle? Une façon d’en finir avec les valeurs qui ont irrigué toute la culture européenne durant des siècles ? Le travail de Patrice Chéreau n’en reste que plus précieux, afin, justement, de provoquer un nouvel élan.

Michel Olivié

Merci à Didier Chatainier d’avoir fait un compte-rendu de la Tableau ronde sitôt après qu’elle ait eu lieu.  Le voici complété par les extraits de vidéo projetés lors de la table rond comme support aux échanges.

CHEREAU, un OVNI au Ring
A l’origine, Wolfgang WAGNER confie à Pierre BOULEZ la direction du Ring pour les années 1976 à 1980. Ce dernier contacte, suite aux renoncements d’autres metteurs en scène, Patrice CHEREAU qui est un homme de théâtre qui ne connaît rien à la musique, au solfège, à l’opéra … et qui ne connaît pas l’œuvre de Wagner ! Chéreau accepte !
CHEREAU travaillera à la mise en scène du Ring avec ses collaborateurs habituels : Jacques SCHMIDT pour les costumes et Richard PEDUZZI pour les décors.
CHEREAU considère Bayreuth comme un atelier de création et les années 1976 et 1977 comme des approches destinées à évoluer au fur et à mesure et, : à ce titre, à partir de 1978 peu de changements interviendront dans la mise en scène jusqu’à la dernière représentation de 1980.
Il décide d’utiliser la mythologie pour parler de son époque faisant de Wotan «le capitalisme naissant». C’est la raison pour laquelle CHEREAU prend l’option d’une mise en scène XIXème siècle – période de l’industrialisation européenne.
Patrice CHEREAU n’a pas «de méthode, il travaille d’instinct» (Julien Centrès).
CHEREAU estimant que Richard WAGNER est un comédien génial souhaite des chanteurs-acteurs (1) . En effet, avant CHEREAU les chanteurs chantent mais n’interprètent pas, ne jouent pas leurs rôles.
La particularité de cette mise en scène c’est la capacité de CHEREAU à servir l’histoire sans trahir l’œuvre dans son déroulé. Pour CHEREAU, «la musique, c’est du théâtre». Estimant, à l’instar de Richard WAGNER qui fut très déçu des chanteurs qu’il trouvait trop statiques lors de la première représentation du Ring à Bayreuth, CHEREAU a opté pour une mise en scène qui laisse la place aux déplacements et au langage du corps. Pour CHEREAU, WAGNER c’est plus que de l’opéra, plus que du théâtre, plus que de la musique .

TRADUCTION DE CES APPROCHES DANS :
 

RHEINGOLD :

Ce qui impressionne et provoque le courroux des spectateurs de 1976, c’est le barrage sorte de barricade sur laquelle sont juchées les filles du Rhin habillées en «prostituées».
CHEREAU estime que les architectures doivent être importantes pendant toute l’oeuvre.
Le décor fait partie intégrante du jeu d’acteurs et ceux-ci évoluent dans la totalité du décor.
RHEINGOLD donne naissance à une controverse jamais tranchée sur la responsabilité de Wotan ou/et Alberich dans la dérive du monde industriel (2).
CHEREAU a modifié le décor de la scène finale, délaissant l’arc en ciel et le château juché sur la colline.

Extraits de l’Ord du Rhin :

    Alberich

  Filles du Rhin

WALKYRIE :

Dans cet opéra, le langage corporel est exalté même lorsque les chanteurs ne chantent pas.
La gestuelle est accentuée afin de permettre aux spectateurs les plus éloignés de la scène d’avoir accès aux expressions des acteurs-chanteurs. Il en résulte que d’une représentation à l’autre le jeu des acteurs rendait plus ou moins émouvante, plus ou moins habitée l’interprétation du personnage.
CHEREAU estime que Siegmund est le seul être totalement libre de l’Anneau, trop libre :…dès lors qu’il ne sert plus l’intérêt de Wotan, celui-ci le tuera. La mort de Siegmund serait peut-être le symbole de la fin des idées révolutionnaires, des utopies de Wagner qui a connu Bakounine sur les barricades à Dresde.
Le décor de la chevauchée des Walkyries, du cimetière et du rocher – considéré comme totalement inutile – sera abandonné au profit d’un décor ressemblant à l’ÎIe des Morts d’Arnold Böcklin (5 tableaux entre 1880 et 1886).

Extraits de la Walkyrie

Hunding

Brünnhilde

SIEGFRIED :

Pour CHEREAU, Siegfried est la marionnette de Wotan. C’est un être instinctif, stupide, l’idiot du village, insouciant, le fou du Moyen-Âge.
Pour un des participants, cela pourrait manifester le rejet des idées marxistes par CHEREAU lui-même après y avoir adhéré.
Pour d’autres participants, le rôle de Siegfried est inutile, mal écrit et aurait très bien pu être interprété par Wotan qui le dirige.

LE CREPUSCULE DES DIEUX :

Le jeu d’acteurs met en évidence la superbe de Siegfried qui prend de haut Hagen. Siegfried est déjà subjugué par Gutrune : faut-il y voir l’esprit de séduction et de conquête des hommes ?
Chez CHEREAU, l’éloge de l’instinct est toujours suspect.
La robe de Brünnhilde s’inspire de l’Albatros de Baudelaire qui avance vers son tragique destin.
Le jeu d’acteur de Siegfried montre un personnage brutal, sauvage qui peut tuer sans raison valable.
L’enlèvement de Brünnhilde se déroule dans le décor de l’île aux morts qui confère plus de force, d’émotion et de dramaturgie à cette scène.
Lors de la marche funèbre, le corps de Siegfried est exposé, ignoré par le peuple qui se retourne vers les spectateurs : exprime-t-il la disparition des idéaux marxistes de CHEREAU ? la disparition du monde ouvrier ? la disparition de l’ère industrielle ?  l’angoisse de l’avenir ?

Extraits du Crépuscule des Dieux

Hagen Siegfried

  Hagen Siegfried

Marche funèbre

(1) Cf. Page 66 du Journal de Chéreau
(2)Cf. Le tract distribué par le Comité d’Action de l’oeuvre de Wagner fustigeant la mise en scène de Chéreau, d’autres estimant 2
qu’il ne faut pas connaître la scène des Normes dans le Crépuscule des Dieux, faute antérieure à la malédiction d’Alberich.

Merci aux organisateurs de cette table ronde, merci à Julien Centrès,  Jean Jacques Cubaynes, Christiane Blemont et Michel Olivie qui a magnifiquement dirigé cette table ronde et bien sûr merci à Anne Elizabeth Agrech pour tout ce qui est technique.

Didier Chatainier

Julien Centres et son auditoire

Nikolai Schukoff est Tristan

Un nouveau Tristan s’est levé depuis la scène de l’opéra national du Capitole de Toulouse

Par Daniel Martinoles, pour le Cercle Richard  Wagner de Toulouse Occitanie

Alors que les Cassandres montrent du  doigt un ciel opératique obscurci par les difficultés financières de certaines maisons d’opéras, fragilisées par la crise économique mais aussi par les choix de leurs directeurs artistiques, la scène toulousaine affiche une vigueur insolente et déconcertante, eu égard aux productions récemment montées et aux succès unanimement rencontrés (que ce soit du côté des récitals, ou même des opéras jugés « difficiles » tel le récent Wozzeck.)

Parmi ces incontestables réussites, qui hissent cette scène au tout premier plan, nous devons nous attarder un peu plus sur la naissance d’un nouvel interprète du rôle de Tristan, dans le chef d’œuvre wagnérien « Tristan und Isolde », en la personne de Nikolaï Schukoff.

Né à Graz en 1969, Nikolaï étudie le chant à Salzbourg, puis commence une carrière internationale (New-York, Vienne, Berlin, Munch, Paris, …) qui l’a notamment conduit, depuis 2010, vers les rôles wagnériens: Parsifal, Erik, Siegmund, Lohengrin et, tout récemment : Tristan.

Nikolaï a récemment confié à la presse qu’il affectionnait ce rôle, tout comme celui de Parsifal , pour reprendre ses termes : « tous les deux sont des orphelins.  C’est quelque chose qui me touche beaucoup. C’est passionnant de travailler sur une telle fracture. Il y a cinq ans, j’étais en répétition de Parsifal à Berlin lorsque j’ai perdu ma mère. J’étais évidemment très triste lorsque j’ai repris les répétitions. Je me suis alors rendu compte combien en fait j’étais connecté avec le personnage. J’arrivais à lui donner le fond de mon âme. Des rôles pareils vous permettent de faire un travail personnel très profond. »

Soulignons ici que cette occasion lui a été donnée par Christophe Ghristi, actuel directeur artistique de l’opéra national du Capitole, et qui, en quelques années a réhaussé cette maison d’opéra à la place prééminente qu’elle avait perdue. Fort d’une culture et d’une passion pour les artistes rares, mais aussi doué d’une acuité exceptionnelle, Monsieur Ghristi a proposé Tristan und Isolde au même cast que celui qui avait été engagé pour le Parsifal dernier.

Effectivement , après les représentations de Parsifal en 2020, Frank Beermann, Sophie Koch, Nikolaï Schukoff, Matthias Goerne et Pierre-Yves Pruvot ont demandé à poursuivre leur géniale collaboration au Capitole. Après un temps nécessaire de réflexion, « la vista » et la connaissance des chanteurs et des voix, ont conduit tout naturellement Monsieur Ghristi à proposer, dans un éclair de génie, Tristan und Isolde.

Ayant déjà refusé Tristan par trois fois, bien qu’il soit un sommet qui fasse rêver notre cher ténor, voilà que le moment choisi par Christophe Ghristi se trouva donc être le bon moment pour Nikolaï, idéalement entouré de partenaires de choix, faisant eux-aussi leurs prises de rôles dans cet opéra et dans une maison pour laquelle toutes les autres conditions étaient réunies. Avoir comme partenaires Sophie Koch et Matthias Goerne notamment …quel bonheur !… d’autant plus que la direction de Frank Beerman avait été exceptionnelle dans le Parsifal toulousain.

Les retours que j’ai eu des répétitions scène/orchestre promettaient un spectacle de très haute qualité, au vu de l’engagement et de la préparation de tous.

Ayant personnellement assisté à toutes les représentations au Capitole, je puis avoir un regard assez synoptique et critique (bien que je déteste ce mot), d’autant plus que la semaine précédente je « tristanisais » à Vienne (Schager/Stemme) après l’avoir fait à Naples… obsédé par cette œuvre monumentale que j’ai écoutée en boucle plusieurs centaines de fois pendant 5 ans…

Retournons à notre propos initial : Dès la première, ce ne fut qu’ovations, dithyrambes et louanges concernant Nikolai Schukoff, qui, en sus (il faut ben l’avouer), de posséder le physique parfait pour le rôle, l’incarnait par une technique et une présence incroyables.

Sophie Koch Nikolai Schukoff  © Mirco Magliocca)

« Incarnation » est bien le mot approprié pour cette formidable prise de rôle tant cette interprétation était charnelle, sensible, et humaine. Le fait d’avoir rendu ce Tristan si humain, dans ses souffrances notamment, nous le fait sentir d’autant plus proche de nous, et , partant, nous permet de « souffrir avec » plus facilement.

  Nikolai Schukoff  © Mirco Magliocca)

Dès son entrée, la posture héraldique, l’épée, le costume, nous font penser à ces héros wagnériens qui ont peuplé le Bayreuth wielandien…mais là, fort heureusement, point de déclamation, aucune émission forcée, aucune gestuelle surannée,…juste une présence, touchante, humaine, et charnelle.

Que dire sur « O sink hernieder Nacht » ? une attaque d’une douceur et d’un détachement incomparables, Novalis aurait adoré ! Ce chant montant lentement ainsi que les colonnes orchestrales, diaprées et mouvantes (et émouvantes !) grâce à la direction kleibérienne de maestro Beerman.. . quel souvenir !

Une émotion jusqu’aux larmes lorsqu’arrive aussi le « So starben wir, um ungetrennt », telle une immense arche s’élevant au-dessus de l’orchestre, grâce à un legato parfaitement tenu, et ici aussi parfaitement en accord avec la direction orchestrale.

Un cran au-dessus encore: l’acte trois !

Pierre Yves Pruvot  Nikolai Schukoff  © Mirco Magliocca)

Quand bien même aucune retenue, aucune économie de moyens ne furent jamais décelables ni au 1 ni au 2 (à l’opposé de moult Tristans…), Nikolai n’a jamais paru ni fatigué, ni amoindri dans ses moyens.

Quelle énergie et quelle présence (déjà souligné par un critique musical) dans « Verfluchte Trank »… un trémolo dans la voix, touchant, et si humain…à l’opposé des monolithiques Helden.

Cet acte commençant d’ailleurs de façon assez prenante par une voix « blanche », comme sortie des limbes, comme encore dans le « In das Land das Tristan meint »… bravo l’artiste !

Tout fut à l’avenant, les quatre représentations durant, jusqu’à la dernière.

La fameuse dernière où les chanteurs ne purent être avertis qu’au dernier moment de l’absence d’orchestre (mis à part le cor anglais de Gabrielle Zaneboni)… Et quelle occasion rare alors de prendre une loupe virtuelle auditive pour entendre ce chant, mis à nu, car uniquement accompagné au piano.

Ici encore : tout ne fut que justesse, chair sur chair, souffrance sur souffrance !

Mention particulière à cette belle assurance et à cette générosité qui font les chanteurs d’exception.

Force est de constater qu’un triple pari fut gagné par la maison toulousaine : celui d’avoir rendu un Tristan und Isolde d’exception, celui de l’avoir réalisé avec des prises de rôles et celui d’avoir pu le présenter coûte que coûte, tel un recueil de Lieder (pour la dernière, marquée par la grève).

Après l’avènement, voire l’épiphanie lyrique, de ce Tristan d’exception, Nikolai Schukoff, 54 ans, nous régalera sans doute un jour avec Walther, Siegfried, et, pourquoi pas Tannhäuser, qui est semblable voire plus difficile que Tristan.

Il nous a donné un Tristan humain, franc, désarmant, sensible, touchant et si proche de nous, à l’opposé des incarnations de l’autre « monstre wagnérien » sur lequel il faut toujours compter : Andreas Schager, entendu à Vienne 3 jours avant la première de Nikolai au Capitole…car oui, il existe (fort heureusement) plusieurs façons d’interpréter un rôle opératique. Pour ma part, je n’ai jamais été trop conquis par le Helden tonitruant et déclamant sans ciller ces airs qui passent alors au-dessus de nous mais pas en nous.

Après Toulouse, nous aurons le plaisir de l’entendre à Barcelone dans Parsifal avec René Pape et Matthias Goerne, puis à Berlin dans l’opéra Salomé  (il chantera Hérode après avoir été Narraboth dans la même production).

Je termine cette modeste contribution en soulignant une fois encore que non, l’opéra ne va pas mal, n’en déplaise à certains qui voudraient l’enterrer avant l’heure…il suffit « juste »  de mettre les bonnes personnes aux bons endroits et tout miracle est encore permis.

Höchste Lust !

Daniel MARTINOLES

Facebook : www.facebook.com/daniel.martin90834776

Association qui regroupe des passionnés de l’œuvre du compositeur romantique allemand, Richard Wagner